Enrayer le déclin des soins de 1er recours
Philippe LEDUC pour le Blog du Think Tank Economie Santé
« La dégradation est progressive et certaine depuis 20 ans » Et cela risque de continuer de s’aggraver, la demande progresse, l’offre régresse. Présentant le nouveau rapport sur « l’organisation territoriale des soins de premiers recours », le Président de la Cour des comptes – Pierre Moscovici – a dressé un tableau bien connu et a appelé à « mettre sous tension » les politiques publiques avec « un affichage clair des résultats à atteindre. » Face à l’urgence de la situation, les mesures préconisées, en ne prenant que partiellement en compte l’implication et la motivation des professionnels de santé (en nombre insuffisant), risquent une fois de plus d’être insuffisantes.
Ce qui fait le sel de ce rapport c’est le travail méticuleux et en profondeur des chambres régionales des comptes d’Occitanie et Pays-de-le-Loire qui montrent des réussites et aussi l’ampleur des défis.
Une chaine de décision
Dans le Sud, des mesures efficaces sont mises en avant mais est-il d’emblée souligné « ce qui suppose un partenariat avec les professionnels de santé. » Les effets des aides de l’ARS et de l’Assurance maladie en relation avec celles des collectivités territoriales sont contrastées selon les territoires : lorsque les interventions peuvent s’appuyer sur les projets de santé élaborés par les professionnels, elles se révèlent efficaces. La stratégie 2023-2028 de l’ARS se veut plus structurée et plus ambitieuse mais la Cour régionale déplore que les progrès obtenus n’aient pas encore permis d’établir une gouvernance partagée capable de construire un projet territorial. L’instance regionale recommande de clarifier la carte des territoires de contractualisation, d’établir un état des lieux des alertes ressenties par les patients et un inventaire au moins indicatif des ressources disponibles. « Une chaine de décisions doit être identifiée. » On le voit, une fois de plus, il manque un pilotage territorial de l’offre de soins de premier recours impliquant toutes les parties prenantes et s’appuyant sur des données précises.
Culture de l’exercice pluriprofessionnel
Dans la région Pays-de-la-Loire, les caractéristiques médico-sociales sont « très dégradées. » Les interventions ont surtout visé l’installation de médecins généralistes mais celles-ci « manquent de rigueur dans leur mise en œuvre. » Là encore, il est noté que la condition de réussite des projets la plus déterminante est l’acquisition d’une « culture de l’exercice pluriprofessionnel » Des progrès (« à confirmer ») sont notés : la coordination entre acteurs est renforcée depuis la création des CPTS (Atlantique-Nord Loire) et la coopération entre la médecine de ville et la médecine hospitalière s’est renforcée. Là aussi les freins sont la diversité des périmètres géographiques, la qualité des relations pluriprofessionnelles, la nécessité pour développer l’exercice coordonné de l’acquisition d’une culture de l’exercice pluriprofessionnelles. Une coordination plus institutionnalisée doit être recherchée, « facteur de pérennité et de poursuite des progrès attendus par les patients dans l’accès aux soins. »
Redynamiser les Conseils territoriaux de santé
On le voit il s’agit d’un travail de dentelle avec une forte composante d’une nouvelle culture, d’une nouvelle façon de travailler pour les soignants, aidés en cela tout d’abord par leur formation (désespérante sur ce point) et ensuite par des aides bien cadrées. Ainsi la conclusion générale de la Cour des comptes laisse un peu sur sa faim. Celle-ci insiste plus sur la « mise sous tension » que sur l’accompagnement et la formation des soignants sur la base d’un diagnostic territorial partagé. Les Conseils territoriaux de santé renforcés par la récente loi portée par l’actuel Ministre délégué à la Santé mériteraient de ne plus être de simples outils de démocratie sanitaire mais le bras armé de l’organisation territoriale, avec un bureau disposant de moyens, en particulier de celui d’initiative.