Virage à haut risque de l’Assurance maladie

Ph LEDUC pour le Blog du Think Tank Economie santé

16 Oct 2024
Dr Philippe LEDUC

Est-ce le retour du « petit risque » en santé qui mériterait une prise en charge différenciée face au « gros risque » ? Telle est la question structurelle posée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit le transfert de 1,1 Md€ de l’Assurance maladie vers les assurances complémentaires par le relèvement du ticket modérateur sur les médecins et les sages-femmes.

 

 

20 ans après la loi du 13 aout 2004 relative à de l’assurance maladie, « loi socle » qui instaurait de nouveaux outils (dossier médical partagé, médecin traitant, coordination des soins, création de la HAS, etc.) pour remédier au déficit tout en améliorant l’offre de soins, la maitrise médicalisée et la gouvernance, le gouvernement change son fusil d’épaule et décide tout simplement de transférer une partie du déficit de l’Assurance maladie obligatoire (AMO) aux Assurances maladie complémentaires (AMC), sans vrai logique structurelle. Juste pour diminuer le déficit de l’Assurance maladie. Une dépense publique devient une dépense privée contrainte.

 

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit « le relèvement du ticket modérateur sur les médecins et les sage-femmes » de 30 à 40%, même si comme l’a indiqué à plusieurs reprise la Ministre de la santé et de l’accès aux soins – Geneviève Darrieussecq – les modalités ne sont pas encore définies. Elles le seront lors du débat au Parlement. L’important c’est d’économiser 1,1 Md€. Seul hic, c’est que le ticket modérateur n’a jamais rien modulé étant pris en charge pour les assurés de l’AMO.

 

Certes, ce n’est pas le premier transfert. Le dernier en date, en 2023, de 500 M€, l’a été pour les soins dentaires avec (déjà) le ticket modérateur qui est passé de 30 à 40%. Mais, ne nous y trompons pas, de transfert en transfert, se dessine la nouvelle politique du gouvernement qui, de fait, entend distinguer le « gros risque » du petit risque qui sera de plus plus à la charge des assurés via des dépenses privées. En effet, le projet de Bercy qui visait à réformer le régime des Affections de longue durée prises en charge à 100% a été abandonné, jugé trop impopulaire car justement concernant des pathologies chroniques, souvent invalidantes et couteuses. Pour faire des économies, on ne touche pas aux malades chroniques mais on cible les patients occasionnels.

 

Cette politique qui avait été soutenue pendant la campagne présidentielle de 2017 avait été battue en brèche car cette distinction du « petit risque » et du « gros risque » risque d’entrainer un renoncement aux soins et les soignants savent très bien que derrière un symptôme qui peut paraitre anodin peut se cacher les prémices d’un trouble plus grave qu’il faut prendre en compte sans tarder pour éviter une dégradation à bas bruit et une perte de chance. Les exemples sont nombreux.

 

On aurait pu penser que ces transferts de l’AMO vers l’AMC seraient accueillis les bras ouverts par les complémentaires santé. Mais il n’en est rien. La Mutualité les AMC sont vent debout contre cette décision car elles voient bien le piège : « Les transferts relèvent d’une logique de vase communiquant entre la dépense publique et la dépense privée : ils ne règlent pas le problème de fond et ne répondent pas au besoin d’une réforme structurelle. » Les assureurs privés vont devoir augmenter une fois de plus leur tarif avec le risque important de décourager nombre d’assurés, les personnes âgées, les chômeurs et les jeunes en particulier.

 

Il s’agit là d’une rupture avec les principes de la Sécurité sociale, qui va fêter l’année prochaine ses 80 ans. La solution n’est pas là. Celle-ci repose en particulier sur la prévention et la pertinence des soins dont la mise en œuvre reste beaucoup trop timide.

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Anne-Julie Wanga

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